LE DEBUT DE LA BATAILLE DITE DE "VERDUN" - partie 3
LE DÉBUT DE LA BATAILLE
DITE DE « VERDUN ».
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Partie III
APRÈS LES OBUS, LE PIRE FLÉAU QU’AFFRONTENT LES SOLDATS DE VERDUN :
C’est la boue !
C’est dans la terre que des millions d’hommes doivent, l’automne, l’hiver, le printemps, mais aussi l’été, marcher, s’alimenter, dormir, tomber, agoniser, être ensevelis, morts ou vivants.
Ci-dessus : Dans une tranchée, ce poilu est enfoncé
dans la boue, jusqu’aux genoux.
Le sol est friable, sans cesse pulvérisé par les obus. Il se transforme en une pâte visqueuse où s’enlise un homme trop chargé.
Et dit-on :
« La boue est vilaine, elle a la couleur, l’odeur et la laideur des boches ».
Elle se mêle à tout.
En une minute, elle attrape l’homme aux chevilles et lui monte aux genoux…
Ci-dessus : Les bombardements rendaient les tranchées
infranchissables en temps de pluie.
Combien de soldats ont-ils disparus enlisés dans la boue ?
Lors des relèves, dans la nuit noire, les hommes en file indienne parcourent des dizaines de kilomètres, pour rejoindre le champ de bataille, portant chacun une trentaine de kilogrammes.
Ils sont happés, aspirés, tel un entonnoir sans fond, alors que leurs camarades poursuivent leur chemin…
CE TÉMOIGNAGE DES CHASSEURS DU 107E, FAIT FROID DANS LE DOS :
« Ils entendirent crier tout près d’eux :
« Au secours ! »
« Ces cris-là, qui ne l’avait pas entendu mille fois, au cours des batailles ? ».
« Mais il y a des manières de crier :
« Au secours ! »
« Et cette manière-là vous prenait à la gorge ».
« Quelques secondes plus tard, les chasseurs découvraient le copain qui l’avait poussé, était enlisé ».
« Déjà enfoncé, presque jusqu’à la ceinture dans un trou de boue ».
« Jette ton flingue, vieux – ôte ton sac ! ».
« Facile à dire sur la terre ferme. L’homme était emberlificoté dans les courroies quasiment comme une momie vivante ».
Au moindre mouvement, il s’enfonçait.
« Déjà la boue lui arrivait au ventre. Impossible de s’approcher de lui, on s’enfonçait aussitôt. Les chasseurs avaient attaché des bretelles de fusil l’une à l’autre, les jetaient à l’enlisé mais ce lien de cuir se cassa ».
« Il faudrait tresser des bretelles ensemble ? Et trouver des planches ! ».
« Mais où trouver des planches ? Plusieurs chasseurs s’éloignèrent pour en chercher. C’était fou cette histoire, pendant que l’assaut se déroulait sur le champ de bataille ».
« Les minutes étaient interminables ».
« Les chasseurs revinrent avec des planches de plusieurs mètres, large de dix centimètres. On les posa côte à côte sur la boue, de chaque côté de l’artilleur ».
« Appuie-toi dessus. Comme çà, t’enfoncerais pas ».
« L’homme s’appuyait de ses mains, de ses avant bras ».
« Vas-y, vieux, courage ! ».
« Là, tu remontes, çà y est ! ».
« L’enlisé émergeait, ses jambes sortaient de la glaise. Une seconde pour souffler, pour se reposer, floc, il replongea jusqu’aux épaules, cette fois c’était à se manger les poings ! ».
« Et les obus Allemands qui commençaient à pleuvoir ».
« Laissez-moi, les gars, tant pis, je vais crever ici. Vous avez fait ce que vous pouvez ».
« Impossible. Vous pouvez avoir vu mille fois un copain mourir à côté de vous, une balle ou un éclat dans le corps, mais l’idée de laisser mourir à quatre mètres de vous » :
« - Un homme bien vivant, qui vous parle comme je vous parle, c’est impossible. Une bête ne le ferait pas. Les chasseurs étaient comme fous. Ils couraient de tous les côtés et revenaient, chargés de bouts de bois, de débris, de lambeaux de grillage, de rouleaux de fil de fer et ils jetaient tout à côté de leur copain, dans cette bouche de boue qui avalait tout ».
« Qui avalait tout jusqu’à l’instant ou enfin un rouleau de fil de fer demeura à la surface. Le fond était atteint ».
« Le trou de boue était suffisamment comblé. D’autres chasseurs avaient tressé des courroies de fusils ».
« Ils se mirent à six pour tirer leur copain. La boue, enfin, lâcha sa proie ».
« Des larmes coulaient sur les joues de cet homme ».
« On t’aurait pas laissé, vieux ! ».
« On serait plutôt crevés là ».
IL Y A, AUSSI, LA SOIF QUI EST UNE ÉPREUVE DE PLUS À AFFRONTER POUR LES POILUS.
- Que certains appellent le « supplice de la soif ».
Les bidons individuels ne contiennent que deux ou trois litres de ce précieux liquide « l’eau » et rapidement elle manque, en raison de la précarité des liaisons avec l’arrière.
Ci-dessus : On voit à droite un soldat allongé tenant un récipient dans sa main droite,
qui le remplit d’eau, puisée dans un trou.
À gauche, un autre debout, s’approche de celui-ci, tenant dans sa main gauche un gobelet.
- Il y a ceux qui ne résistent pas à cette épreuve « la soif » et qu’à leurs risques et périls, franchissent les lignes, pour aller puiser dans un trou d’obus, une eau stagnante, malsaine.
La plupart du temps, le ravitaillement est impossible.
Ci-dessus : Dans ce paysage transformé en « zone de morts » où plus rien ne repoussera.
- Faire un pas est une épreuve physique et morale, ceux qui sont chargés du ravitaillement ne parviennent que très rarement à accomplir leur mission.
D’AUTRES FLÉAUX POURRISSENT LA VIE DES SOLDATS :
Les rats, les mouches, les moustiques envahissent tout. Les poux prolifèrent, une femelle, née le matin, devient grand-mère à la fin de la journée, dit-on.
Les poilus s’accommodent de tout à condition que le pinard fût bon et abondant, sans oublier la nourriture, bien sûr.
PROLONGEANT L’ACTION DES CANONS, L’AVIATION ALLEMANDE AGIT SUR L’ARRIÈRE DU FRONT.
Ci-dessus : Un avion Allemand aviatik, photographié en plein vol.
UN BRUIT COURT ET SE PROPAGE :
La ville de Bar-le-Duc a été détruite par les Allemands.
Or, la ville qui se situe à plus de soixante kilomètres du champ de bataille est bien sûr, hors de portée de l’artillerie Allemande.
Elle n’a reçu jusqu’à présent que quelques bombes qui n’ont fait aucune victime.
Bar-le-Duc est occupée par l’armée Française.
Pour entrer dans la ville, il faut un « laisser passer ». La circulation à l’intérieur de celle-ci est très réglementée.
Il y a des militaires partout.
Ci-dessus : On remarque dans la rue Exelmans de nombreux militaires.
LE SAUF-CONDUIT DE POL CHEVALIER.
Ci-dessus : Le sauf-conduit qui est reproduit appartenait à Pol CHEVALIER
qui fut Maire de Bar-le-Duc et Sénateur de Meuse.
Celui-ci lui permettait de se rendre de Bar-le-Duc à Nancy puis de Nancy à Bar-le-Duc, mais il n’était valable que :
- Sur route de 5 heures du matin à 20 heures.
- Et doit être joint d’une autorisation militaire.
On y apprend :
- Qu’il était âgé de 34 ans,
- D’une taille de 1m66,
- Qu’il avait les cheveux gris,
- Les yeux gris.
MAIS LE MALHEUR VA FRAPPER LA CITÉ DES DUCS ET CELA JUSQU’À LA FIN DE LA GUERRE.
Après les bombardements de 1915, en début de matinée de cette journée du 21 février 1916, la ville est survolée par huit avions ennemis qui laissent tomber une vingtaine de bombes sur divers quartiers qui feront des victimes, notamment :
- Une jeune mère de famille âgée de 32 ans, qui résidait dans une commune proche de Bar-le-Duc à Fains les Sources.
Des centaines de personnes assistent aux obsèques. Elle est inhumée dans le cimetière de Fains les Sources.
Ci-dessus : l’avis de décès de la victime de l’explosion d’une bombe
Allemande jetée, par un avion ennemi, le 21/02/1916.
Pour venir bombarder, Bar-le-Duc, les avions suivaient la voie ferrée et le canal.
Ci-dessus : un avion Allemand suivant une voie ferrée.
À Ligny et Revigny d’autres victimes sont à déplorer.
L’APRÈS-MIDI, SUR LE CHAMP DE BATAILLE.
À nouveau, les bois d’Haumont, des Caures, de Ville, de l’Herbebois sont bombarbés avec intensité.
Vers 16 heures, la violence du tir Allemand atteint son maximum.
Six « DRACHEN », ballons, planent au-dessus des lignes Françaises afin d’observer les effets de leurs batteries.
Tour à tour, les tirs de l’artillerie isolent les bois d’Haumont, des Caures, de Ville, de l’Herbebois…
C’est une tornade de poussière et de fumée. Les explosions arrachent le sol, écrasant les hommes sous leurs abris.
Après ce déluge de projectiles, les Allemands pensent ne plus rencontrer d’obstacles devant eux. On avait dit aux fantassins qu’ils pourraient avancer l’arme à la bretelle.
Ils sont partout.
L’infanterie Allemande équipée de lance-flammes s’aventure sur ce qui reste des tranchées Françaises mais elle se heurte à de nombreux endroits, à des poches de résistance.
Ci-dessus, les artilleurs Allemands.
Rien ne doit leur résister, coûte que coûte, ils avancent alors qu’à certains endroits, ils sont accueillis par les Français, comme il se doit.
ET POURTANT, PARTOUT, L’ENNEMI RENCONTRE DES DIFFICULTÉS, NOTAMMENT AVEC CES SIX POCHES DE RÉSISTANCE.
- À Brabant,
- Au bois de Consenvoye,
- Au bois d’Haumont,
- Au bois des Caures,
- Au bois de la ville,
- Au bois d’Herbebois.
Ci-dessus : cette illustration immortalise l’exploit de ce sergent qui, monté
en haut des tranchées, abat 60 Allemands alors que ses camarades
lui passent les fusils chargés..
Il a la chance de ne pas avoir été blessé.
CONTRAIREMENT À CE QU’AVAIT PU IMAGINER L’ETAT-MAJOR ALLEMAND :
L’ennemi se heurte, aussi, aux poilus qui se trouvent en arrière des premières lignes.
Les lance-flammes devaient être utilisés comme des armes de nettoyage mais en réalité elles se transforment en des armes d’assaut.
Les soldats Allemands, se transforment en torche vivante.
Les réservoirs d’essence portés par les troupes d’assaut, atteints par des balles, explosent et transforment les hommes en torche vivante, empêtrés dans les fils de fer barbelés.
Les blessés :
Ci-dessus : un des premiers blessés.
Au début de cette guerre, nombreux sont ceux qui meurent sur place. Certains bénéficient du dévouement de leurs camarades, qui les transportent au poste de secours.
Ceux qui peuvent marcher tentent leur chance en essayant de rejoindre l’arrière.
Ci-dessus : dans les branches de cet arbre, projeté par les éclats d’obus, pend le cadavre
d’un officier Allemand, que nos obus de 75, ont projeté dans celles-ci.
Christian BOULAY
Illustrations de l’auteur.
(A suivre : « le début de la bataille
Dite de Verdun IV et fin »).
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