Le Château et l'histoire.
A BAR-LE-DUC (Meuse)
LE CHÂTEAU DE MARBEAUMONT
ENTRE DANS L’HISTOIRE
DE LA 1ère GUERRE MONDIALE.
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Texte inédit (déposé)
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La bataille de Verdun :
Le 21 février 1916 à 7h15, l’artillerie allemande ouvre le feu et incendie les premières lignes françaises. Elle utilise des projectiles de tous calibres dont des obus lacrymogènes et asphyxiants. Les victimes françaises sont nombreuses.
La résistance française devient de plus en critique. Cette guerre est inégale, deux Français luttent contre six Allemands.
Le Général JOFFRE confie le commandement de la région Fortifiée de Verdun (RFV) au Chef de la 2ème Armée au Général PETAIN, qui installe son quartier général à la Mairie de Souilly, le 26 février 1916 à zéro heure.
Au cours de cette première guerre mondiale, nombreux sont les écrivains, journalistes, artistes…….qui se rendent sur le front en passant par Bar-le-Duc. Leur rôle est de rassurer l’opinion publique à l’aide d’articles, de caricatures, de peintures, etc.
Au printemps de cette année 1916, à la fin d’une journée radieuse, Maurice BARRÈS (1862-1923), journaliste-écrivain est accompagné de Monsieur Athos ROMANOS, Ministre de la Grèce, ainsi que du Prince de Béarn, arrivent à la gare de Bar-le-Duc, où par hasard sont groupés des prisonniers Allemands. Pierre LOTI (1850-1923), écrivain, qui devait être du déplacement, apprenant que Maurice BARRÈS serait du voyage, a préféré annuler celui-ci.
Le programme prévu pour la journée du lendemain, comprend la visite du quartier général du Général PETAIN à Souilly, situé sur la route de Bar-le-Duc-Verdun (Voie Sacrée), ensuite visite de la ville de Verdun bombardée qui est en partie détruite, etc.
Ils sont hébergés au château de Marbeaumont qui est situé à l’extérieur de la ville de Bar-le-Duc. Elle est une des plus belles propriétés de la région (nous en reparlerons plus loin).
Ils prennent leurs repas au lycée de Bar-le-Duc qui abrite les bureaux de l’Etat Major de la Direction des Etapes et des Services de la IIIe Armée (DES), avec les Officiers et regagnent pour la nuit, le château.
Maurice BARRÈS et la poupée :
Le lendemain, de bonne heure, en automobile, ils prennent la route pour rejoindre le secteur de Verdun.
Au cours de la visite de la ville en partie détruite, Maurice BARRÈS n’a qu’une idée en tête, se rendre rue Chevert, dans le but de retrouver un jouet oublié par une petite fille de six ans, orpheline, qui a été adoptée par son épouse.
L’adresse en poche, il sait que cette poupée se trouve dans une armoire. Il repère cette maison dont les portes et fenêtres sont ouvertes à tous vents. Alors que cette habitation a été pillée, comme la plupart dans cette ville, l’armoire est là. Par chance, il trouve cette poupée tant désirée.
Maurice BARRÈS, un des écrivains les plus populaires de sa génération, la serre dans ses bras ; il est heureux, soulagé….
La route Verdun-Bar-le-Duc, qui deviendra après la guerre la « Voie Sacrée ».
Le soir, au retour, sur cette route stratégique, Maurice BARRÈS observe avec attention, celle qu’il va faire découvrir aux lecteurs de son journal en écrivant :
« Elle deviendra légendaire, cette route du ravitaillement, cette suite ininterrompue d’automobiles, se déroulant sur une soixantaine de kilomètres, de Bar à Verdun, et de Verdun à Bar, avec l’aisance et le silence d’une courroie de transmission… ».
Après la guerre, elle deviendra célèbre dans le monde entier et sera dénommée « Voie Sacrée ».
Arrivé à Bar, au Château, dans sa chambre, Maurice BARRÈS, journaliste dans un grand quotidien, tente de mettre de l’ordre dans ses notes et il va faire revivre à ses lecteurs ce qu’il a vu, ce qu’il a ressenti mais il est face à une difficulté : respecter les consignes de Madame Censure qui veille.
Madame VARIN-BERNIER et Maurice BARRES :
Alors que Madame VARIN-BERNIER, propriétaire des lieux, a donné sa chambre « d’un luxe criard » à Maurice BARRÈS qui n’en voulait pas, mais elle est convaincante et celui-ci accepte.
Le soir, au cours du repas, le sujet revient dans la conversation et Maurice BARRES interroge Madame VARIN :
- Mais, vous, Madame ?
- Oh ! Moi (répond la maîtresse de maison), je me suis arrangée une chambre à la cave à cause des bombardements (NDLR Bar-le-Duc fut bombardée pour la première fois en 1915).
- Il faut toujours mourir, dit Maurice BARRÈS, qu’est-ce-que cela peut bien faire !
- Madame VARIN-BERNIER est indignée !
- Un silence pesant règne dans la salle à manger qui se situe au rez-de-chaussée.
Au cours de son séjour dans la Meuse, Maurice BARRÈS fait paraître trois articles :
- Le premier est titré : « Les fleurs de Verdun »,
- Le second « La route sacrée » et non la « Voie Sacrée », dont neuf lignes sont censurées,
- Le troisième porte ce titre « Sous le ciel de Verdun ».
Après le départ des invités, la vie au château a retrouvé son rythme habituel.
Le Général JOFFRE écarte PÉTAIN de Verdun :
De retour à Souilly, au quartier général de PÉTAIN, le Général est sur les nerfs.
Depuis quelque temps, le Général JOFFRE cherche à l’éloigner du champ de bataille de Verdun, et envisage de lui donner un champ de bataille plus vaste à diriger ; ce qui lui permettra, dit-il, d’évaluer avec plus de précisions, la situation générale.
En réalité :
Il lui reproche d’avoir une attitude défensive alors qu’il lui demande d’adopter une tactique offensive. Il profite du départ en retraite du Général DE LANGLE DE CARY, pour lui confier le commandement de Région Fortifiée de Verdun (RFV) de la IIe Armée.
C’est avec tristesse qu’il quitte la Mairie de Souilly, son quartier général pour rejoindre la Mairie de Bar-le-Duc. Le Général et son Etat-Major sont logés au château de Marbeaumont.
Cette dénomination vient du nom du lieu où il se situe, Marbot et on associe le nom du paysagiste chargé d’aménager la propriété Arbeaumont (Marbeaumont).
Il est construit entre 1903 et 1905, à la demande du banquier Paul VARIN-BERNIER, qui en est le propriétaire.
Les pièces sont toutes différentes et l’on passe d’un style à un autre (Empire, Renaissance, etc). Le bois tient une place importante.
Il témoigne, dit-on de la richesse de la haute bourgeoisie de cette période, appelée la « Belle Epoque ».
Il n’est pas étonnant que les locataires du château, soient surpris par le luxe qui habite cette demeure.
Il arrive à Bar-le-Duc (Meuse) :
A son arrivée à Bar-le-Duc, dans cette superbe propriété, le Général PETAIN ainsi que ses Officiers trouvent les « somptuosités » de ce nouveau poste de commandement ; quel changement avec les installations primitives de Souilly.
Madame VARIN-BERNIER qui n’a pas le caractère optimiste de son mari, décédé quelques semaines plus tôt, ne voit pas d’un bon oeil, débarquer ce nombreux personnel militaire alors qu’au loin tonne le bruit du canon.
La maîtresse des lieux, très inquiète, afin d’être rassurée, questionne chaque jour, elle questionne le Général PÉTAIN, mais celui-ci prend un malin plaisir à lui donner de mauvaises nouvelles, ce qui n’est pas pour l’apaiser et son angoisse s’accentue de jour en jour.
Le château est bombardé :
Elle commence à s’habituer à cette situation et puis chacun trouve ses marques, jusqu’à ce bombardement aérien dont le château est une des victimes.
A midi, des avions allemands survolent la ville, alors que tout le monde est à table. Plusieurs bombes tombent sur le château. L’une d’elle détruit la verrière du dôme central, une autre pénètre dans la chambre du Général, qui n’était pas présent.
Les bureaux installés à l’Hôtel de Ville sont très endommagés.
Le grand quartier général (GQG) allemand est informé par des espions du rôle stratégique qu’occupe, la place de Bar-le-Duc dans la bataille de Verdun, ainsi que de l’arrivée du Général PETAIN et de son Etat-Major.
Les bombardements vont s’accentuer sur la ville. Les Allemands attaquent l’arrière du front pour affaiblir « ceux de l’avant ».
Madame VARIN-BERNIER veut voir le Général PÉTAIN et son Etat-Major quitter les lieux :
La maîtresse des lieux choquée par ces bombardements est dit-on « plus morte que vive ». Elle est certaine que ceux-ci sont dus à la présence de ses hôtes. Sa réaction, c’est de rendre le séjour désagréable à ses locataires, avec l’espoir de les voir quitter les lieux le plus vite possible.
Le Général n’est pas dupe et s’en amuse. Ce n’est pas le cas des enfants de Madame VARIN, qui n’apprécient pas l’attitude de celle-ci et tentent de faciliter les relations en arrondissant les angles.
Mais un évènement va modifier l’attitude de chacun :
Le Chef d’Etat-Major du Général PÉTAIN, le Colonel JACQUAND qui, lui aussi, loge au château, tombe malade, atteint par cette maladie, la fièvre typhoïde, il est conduit à l’hôpital de la ville qui comprend six établissements hospitaliers qui regroupent cinq mille lits.
Son entourage explique que c’est un homme de grande culture, mais il n’a qu’un défaut, adorer sa femme. Dans son courrier journalier, il lui confie tous les secrets de l’Etat-Major et pourtant la qualité première d’un Chef de guerre, c’est la discrétion. On n’hésite pas à dire « qu’il met en danger son entourage ».
A l’hôpital, son état de santé s’aggrave ; il n’y a plus d’espoir de guérison. Il décède et ses obsèques sont célébrées en présence de nombreuses personnalités. Il est enterré au cimetière de Bar-le-Duc.
Après ce drame, la vie continue :
Par moment, le Général PÉTAIN, regrette la sobriété de son quartier général de Souilly.
Une multitude de personnalités civiles et militaires s’arrêtent à Bar-le-Duc pour se rendre sur le champ de bataille et souhaitent le rencontrer ; cette situation l’indispose.
Un vent de panique règne à Bar-le-Duc
Georges CLEMENCEAU (1841-1929) Député, a la réputation de faire et de défaire les gouvernements, il est appelé le « Tigre », annonce son arrivée à Bar-le-Duc. Le Général PÉTAIN prévient, qu’il ne lui consacrera que quelques minutes.
Le grand quartier général (GQG) ne l’autorise pas à se rendre sur le champ de bataille mais il lui sera possible de visiter la ville de Verdun bombardée.
A son arrivée à Bar, il rend visite à l’Etat-Major installé à la Mairie. Ensuite, il est accueilli au château de Marbeaumont.
Lors du dîner, il est très aimable et anime les discussions. A son départ, tout le monde est enchanté par sa visite qui n’était, pourtant, pas souhaitée.
Madame VARIN-BERNIER, avec le temps, a retrouvé le sens de l’hospitalité. Elle veut garder une empreinte des personnalités qui viennent au château.
Elle dispose d’un grand album où elle fait signer ses visiteurs de marque. Elle a réservé la première page au Général PÉTAIN, et dit-on, il fait des manières pour écrire son nom.
Une autre personnalité arrive à Bar-le-Duc, Gabriel HANOTAUX (1853-1944), Historien, Homme politique.
Il est, lui aussi, l’hôte du Général PÉTAIN, au château. C’est un érudit, rien en ce qui concerne cette guerre ne lui échappe (il est l’auteur de nombreux ouvrages concernant cette guerre).
De son passage dans la cité des Ducs, on retient cette anecdote :
« …..dans la cour de l’Hôtel de Ville, il discute avec le Général PÉTAIN…. ».
« Dans la rue (NDLR Rue Lapique), il y a un rassemblement qui assiste à cette rencontre ».
« Ils n’ont donc jamais vu de Généraux ? dit le Général PÉTAIN ».
« C’est un vainqueur qu’ils viennent voir, réplique Gabriel HANOTAUX ».
« Le Général monte en voiture. Le poste rend les honneurs. La foule allait applaudir quand le Commandant du quartier général (QG) a l’idée de faire sonner « aux champs ».
« Le clairon intimidé fait des couacs, et la foule se tord de rire ».
Les repas au château de Marbeaumont :
Sont pris dans la grande salle à manger qui se situe au rez-de-chaussée. Autour de la table rectangulaire, sont réunis :
- Le Général PÉTAIN, ses Officiers et bien souvent des personnalités civiles et militaires.
Pierre LOTI :
Les discussions sont très animées. Une de celles-ci a pour centre d’intérêt Pierre LOTI qui était affecté au groupe des Armées de l’Est, mais le Général PÉTAIN, n’apprécie pas ce « petit vieux prétentieux…. ». Alors qu’il souhaite offrir ses services au Général, celui-ci refuse de le recevoir.
Un des Officier présents lui dit :
« Mon Général, vous avez renvoyé le capitaine de vaisseau Julien VIAUD dit Pierre LOTI qui est aujourd’hui avec BARRÈS, le plus grand écrivain de France. Il ne se renvoie pas. Il fallait l’envoyer pleurer sur les ruines de Verdun et il eut excité la compassion du monde entier, chacun selon ses moyens, sa valeur, son âge… ».
L’Etat-Major est consterné par l’audace de cet Officier, j’aurai dû garder Pierre LOTI, dit le Général.
Le Général PÉTAIN se rend chaque jour à Souilly :
Malgré la distance qui le sépare du champ de bataille, le général PÉTAIN continue à s’occuper des opérations de la IIe Armée. Chaque jour, il se rend à Souilly pour s’entretenir avec le Général NIVELLE, qui lui a succédé. Il le conseille, lui apporte son soutien dans la préparation des stratégies.
Le Général quitte Bar-le-Duc :
A l’approche de l’été, le Général PÉTAIN, qui aime la campagne, souhaite quitter la ville. Son vœu est exaucé, il quitte le château de Marbeaumont pour s’installer dans un autre château beaucoup plus modeste, à Nettancourt.
Il est plus proche de Souilly et surtout, il est à l’abri des visiteurs qui débarquent à Bar-le-Duc.
Les bureaux de l’Etat-Major sont installés dans cette propriété. Le Général loge chez un particulier ; il a un faible pour la fille des propriétaires, mais c’est une autre histoire.
La grande offensive de la Somme prévue par le grand quartier général, le 29 juin 1916 est repoussée à cause du mauvais temps, au 1er juillet 1916.
Elle permet de desserrer l’étau allemand qui étrangle Verdun. Le Général JOFFRE a besoin de matériel roulant, le service automobile qui circule sur la route Bar-Moulin-Brûlé/Verdun, est allégé.
L’horizon pour les Français s’éclaircit avec l’arrêt brutal de l’offensive de l’armée allemande qui est dû à la défense de notre armée sur le champ de bataille Meusien, facilitée par les actions menées dans la Somme.
Plus de deux cents jours après le début de la bataille de Verdun, le 21/02/1916, Verdun reste invaincu.
Après les victoires de la Marne et de l’Yser, le grand quartier général organise, sur les décombres de la ville de Verdun, une cérémonie symbolique, en présence du Président de la République, Raymond POINCARÉ qui remet à la ville de Verdun, les hommages de la France. Quant aux représentants des nations alliées, ils lui remettent les insignes de leurs ordres.
Mais la guerre se poursuit, le parc et le château de Marbeaumont subissent une vingtaine de bombardements.
L’Armistice sera signée le 11 novembre 1918 à 5h30 du matin et mise en application à 11 heures.
Au cours de la seconde guerre mondiale, le château est occupé par un Etat-Major Allemand…..Madame VARIN-BERNIER quitte les lieux pour habiter en centre ville, dans un hôtel particulier.
Il faudra attendre 1980, pour qu’il soit classé « Monument historique ».
Christian BOULAY
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