Bombardement de Verdun - 7
LE BOMBARDEMENT
DE LA VILLE DE VERDUN.
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7ème partie
A la Sous-préfecture de Verdun, l’on s’active pour fuir la ville bombardée.
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LE 25 FÉVRIER 1916 :
« Il était environ 5 heures. Je fermais les yeux…Quand je m’éveillais, deux heures plus tard, mon camarade m’annonça que le bombardement se ralentissait ».
Une grande animation régnait dans la cave :
« Nos évacués cherchaient et rassemblaient fiévreusement leurs paquets, mettaient en hâte manteau, se poussaient vers la sortie ».
« Je dus prendre ma voix grave et ordonner que personne ne gravit l’escalier, assurant que je donnerais bientôt l’ordre d’embarquement, quand tout danger serait écarté ».
On charge le camion :
« Dehors, les boules de pain furent mises en tas dans la cour et je gage qu’elles y moisissent ; puis ce fut, avec l’aide du concierge le chargement laborieux de quatre grandes caisses contenant les archives et j’allais chercher nos impatients voyageurs ».
« Le roulement du canon attestait la rude bataille toujours proche, mais les sinistres sifflements se faisaient de plus en plus rares ».
En voiture :
Les enfants d’abord, puis les dames…
« Ce fut à la fois comique et navrant, car la place était restreinte pour les vingt et quelques passagers imprévus. Il fallut, par deux fois, faire descendre ceux qui étaient déjà montés et installés, nous casâmes tout ce monde en réservant aux handicapés les moins mauvais sièges ».
Chacun souhaitant emporter plus de bagages que son voisin :
« Malgré mes exhortations et quoi qu’il m’en coutât, je dus exiger que le tiers, des ballots, restât à la préfecture. Ce fut laborieux et désolant » :
Je me souviens de quelques passagers :
« D’une dame à cheveux de neige qui s’obstina à conserver un manche à balai de quelques sous, serré dans les courroies d’une valise de peau jaune, mais qui se sépara sans récriminer, d’un grand sac de linge ».
« D’une fillette serrant sur son cœur un affreux poupon de carton ».
« D’une jeune fille réclamant ses partitions de musique ».
UN SEUL CIVIL RESTAIT DANS LA VILLE, SON SOUS-PRÉFET.
« Il nous serra la main, souhaita bon voyage à tous, et le moteur ronfla… ».
Brave petit camion !
« Jamais nul conducteur ne lui avait demandé un tel effort en quelques minute, il sortait de la cité déjà meurtrie, emmenant ses derniers habitants de toute la vitesse de ses roues massives ».
SUR LA « VOIE SACRÉE » :
« Sur la route qui semble nous appartenir, nous dépassons bientôt quelques blessés, puis apparaissent des groupes de prisonniers gagnant l’arrière ; puis c’est Regret et ses longues files de véhicules ».
« Plus loin, le grand village de Souilly, fourmillant de blessés, de troupes harassées et de train d’artillerie ».
Ci-dessus : La traversée du village de Souilly, situé entre Bar-le-Duc et Verdun.
Ci-dessus : La mairie de Souilly.
Sa construction se situe à la fin du XIXe S.
Elle surplombe la route Bar-le-Duc/Verdun (Voie Sacrée)
et va jouer un rôle très important au cours de cette 1ère guerre.
Le Général PÉTAIN y installera son quartier général.
Il résidera en face chez un notaire.
« Puis, à nouveau, le ruban de la grande route et les trépidations ininterrompus des camions pittoresques avec leurs conducteurs engourdis de froid et de fatigue ».
« J’ai hâte de mener à bon port ceux qu’on m’a confié et qui souffrent de manque de confort. La vitesse accentue les cahots, la route leur paraît bien longue et douloureuse, l’air manque sous la bâche qui tangue ».
Ci-dessus : La « Voie Sacrée ».
On remarque à l’arrière des camions qui se suivent les chiffres 18 et 20.
« Plusieurs de nos passagers subissent stoïquement le ‘’mal de mer’’. Une dame s’évanouit – court arrêt ».
Enfin on touche au but.
« Une dernière côte, puis nous dévalons vers Bar-le-Duc ».
Ci-dessus : C’est la traversée du village de Naives devant Bar.
Ci-dessus : La Préfecture de Bar-le-Duc (Meuse).
Aux abords de la rue du Bourg à Bar-le-Duc, se dresse la Préfecture dont l’architecte est Monsieur DUBOIS, date du XIXe S.
On remarque surtout son portail, sa colonnade ainsi que son fronton de style grec.
Côté place Reggio :
La façade monumentale, quant à elle, date du XXe S.
Le premier Préfet de la Meuse :
Pierre SAUNIER occupa ce poste de 1800 à 1804.
« A 11 heures, le camion se range dans la cour intérieure de celle-ci ».
Ci-dessus : Les façades qui donnent sur la cour.
« Une salle est mise, aussitôt, à la disposition des voyageurs courbaturés, etc. ».
Notre mission est terminée :
« Nous n’avons plus, qu’à regagner notre cantonnement ».
« Comme l’après-midi, je rendais compte au Capitaine commandant notre groupe, des incidents que j’ai relatés, ici, brièvement – non sans appréhender quelque peu les conséquences du rapport probable de la gendarmerie, signalant avec quelle désinvolture j’avais enfreint l’ordre d’arrêt demandé par l’Officier, à la sortie de la ville de Verdun à Regret ».
« Il rassembla les conducteurs…mais ce ne fut pas pour nous répréhender ».
RETROUVONS LES RÉFUGIÉS DU NORD MEUSIEN :
Qui prennent les trains du chemin de fer Meusien à voies étroites dénommée le « Meusien » ou « Varinot ».
Comme cela a été signalé, auparavant :
Il est impossible de s’aventurer dans la gare Meusienne située à Verdun, à cause du bombardement de la ville (voir page précédente).
C’est à la station de Nixéville qu’embarquent les exilés, dans des wagons à bestiaux ou à marchandises.
Le Préfet de la Meuse AUBERT ainsi que le Sous-préfet de Verdun GRILLON organisent des convois qui se rendent à Bar-le-Duc.
Ci-dessus : La gare Meusienne à Bar-le-Duc.
Aujourd’hui, une des seules restées intacte.
En partant de cet endroit, en temps de paix, on rejoignait Verdun à l’aide du chemin de fer à voies étroites, appelé communément « Le Varinot ».
Le Préfet transmet un avis d’exode au comité d’accueil, qui propose un repas à ces malheureux voyageurs.
Par la suite, plusieurs membres du comité se rendent à la gare Meusienne (reproduite ci-dessus) et à pied tout le monde se dirige soit :
- Au marché couvert où une partie du second étage est aménagé en salle à manger et dortoir.
Ci-dessus : A Bar-le-Duc, le premier étage du marché couvert.
Le bâtiment a été détruit en 1972 pour laisser la place à un parking.
Ci-dessus : A Bar-le-Duc, le réfectoire de la caserne OUDINOT.
En 1913, on construisit route de Longeville, celle-ci appelée à l’époque
« caserne du champ de mars ».
Après la guerre, elle est baptisée « caserne OUDINOT » afin de perpétuer la mémoire du Duc de REGGIO, Maréchal d’Empire.
Aujourd’hui, elle est détruite, les terrains disponibles ont été transformés en « zone d’activités économiques ».
Après avoir été nourris, réconfortés, rétablis, ils prennent le train pour d’autres destinations.
Nombreux sont ceux qui se rendent à Paris pour rejoindre de la famille, des amis où ils espèrent trouver du travail.
LE DERNIER « QU’A CUIT A VERDUN ».
Les derniers évacués venaient d’arriver dans la capitale, la foule avide de nouvelles, les entourait.
Un homme d’un certain âge ayant l’accent Lorrain, qui allonge toutes les voyelles, raconte :
« J’suis boulanger, n’est-ce-pas, alors, j’ai fourni autant que j’ai pu ».
« Ma femme et mon fils étaient partis, j’ai encore fait deux fournées dans la nuit ».
« Mais après çà, y avait pas d’eau pour faire le pain, les conduites étaient coupées, il a bien fallu que je m’en aille aussi… ».
« Çà ne fait rien, dit-il ».
« J’ai toujours été le dernier qu’à cuit ! ».
Dans la capitale :
Un organisme dénommé « groupement fraternel » accueille comme il se doit les réfugiés Meusiens.
On remarque l’ancien Ministre, Sénateur Jules DEVELLE, qui se charge de remplir les papiers afin d’abréger l’attente des émigrés.
Un autre élu Meusien, Charles HUMBERT, se charge de collecter des fonds.
Charles HUMBERT fut Député, puis Sénateur.
Ci-dessus : Charles HUMBERT dénommé le « bienfaiteur des réfugiés Meusiens ».
Il sera décoré de la croix de guerre avec palmes et cité à l’ordre du « pays reconnaissant ».
Au cours de cette guerre, il est directeur du « journal ». Il en fit l’acquisition avec dit-on des fonds « douteux » pour ne pas dire Allemand.
Attaqué de toute part, après enquête, il est blanchi par le conseil de guerre.
Christian BOULAY
Illustrations de l’auteur.
(A suivre :
Le bombardement de la ville de Verdun
8ème partie).
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