Bombardement de Verdun - 6

LE BOMBARDEMENT

DE LA VILLE DE VERDUN.

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6ème partie

Un camion chargé de miches de pains a quitté Bar-le-Duc et rejoint la Sous-préfecture de la ville de Verdun

pour y déposer son chargement afin de ravitailler la population civile restante.

Un des deux chauffeurs poursuit son récit.

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TOUT EST OBSCUR :

« Je cherche à m’orienter. Le grand bâtiment, (la Sous-préfecture) lui aussi, paraît vide mais les portes sont ouvertes, et, butant contre les meubles, je traverse plusieurs salles, où tout est désert ».

Dans les caves :

« Dehors,… une partie basse ouvrant sur un escalier où fume une lanterne ».

En bas :

« Une cave où le concierge, sa femme et une jeune fille font en hâte quelques paquets ».

Dans celle qui est contigüe :

« J’entrevois… dans une atmosphère lourde enfumée, les corps étendus d’une vingtaine de soldats qui dorment sur la paille… ».

« Nous apportons du pain à la population ».

« Du pain ! s’écrie le concierge, pourquoi faire ? ».

« Il ne reste à Verdun que les quelques personnes qui sont dans l’autre cave avec Monsieur le Préfet et nous… et on attend, pour partir aussi, que le bombardement se calme. Mais pour le moment, il augmente » :

« Çà n’a jamais tombé comme cette nuit ! ».

« Allez voir, Monsieur le Préfet, qui est dans une cave comme celle-ci, mais de l’autre côté » :

« Il nous faut remonter… traverser une cour, puis un bâtiment, pour découvrir une autre porte basse donnant accès au sous-sol. Nous faisons irruption sous une voûte, et nous nous retrouvons au milieu d’une quinzaine de personnes, des femmes et des enfants, qui nous assaillent en nous posant des questions auxquelles nous ne savons que répondre… ».

« Quelques autres, trop âgés ou impotents, sont étendus sur des matelas ».

Un groupe surtout me frappe :

« Un vieillard maigre, portant une longue barbe, s’est redressé… intrigué par l’arrivée dans cette salle, de deux soldats engoncés dans leurs fourrures Une jeune fille en deuil se penche sur lui et avec des gestes de douceur, l’oblige à s’étendre » :

« Mais oui, grand-père, on vient nous chercher ».

Chacun nous interroge :

« Préoccupés par les bombardements toujours croissants, on nous demande si nous venons pour les emmener ? ».

Je n’ai pas le courage de les décevoir :

« Tout ce petit monde nous entoure et toutes ces voix interrogatives et suppliantes se confondent ».

« Une dame insiste pour nous servir du vin, une fillette nous dit, que sa maman nous fait chauffer du ‘’bon café’’ ».

Dans une cave, c’est la rencontre avec le Sous-préfet.

« Je demande, à ce que l’on me conduise auprès de celui-ci. C’est la fillette qui me conduit vers la cave contigüe ».

« Monsieur GRILLON, Sous-préfet de Verdun, s’entretient avec le Préfet de la Meuse, Monsieur AUBERT ».

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Ci-dessus : Le Préfet AUBERT.

Après une succession de décès, il est investi Préfet de la Meuse.

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Il occupera ce poste de 1906 à 1918 (par conséquent pendant toute la durée de la guerre).

En 1916, il recevra des mains du Président de la République, la rosette de la Légion d’Honneur.

Il sera nommé Conseiller d’État, en remerciement des services rendus, dans le département de la Meuse, pendant cette guerre.

Ils sont en grande discussion :

« Ainsi qu’avec le Capitaine des Sapeurs Pompiers de Verdun, au sujet des bombardements, malgré cela, l’auto (du Préfet) a pu traverser la ville entre deux rafales, etc. ».

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Ci-dessus : Un pompier de Verdun, dont la compagnie est commandée

par le Capitaine MARTIN qui se trouve, lui aussi, dans cette cave

de la Sous-préfecture à Verdun.

Elle lutte, sans défaillance, pour limiter l’œuvre

dévastatrice des obus incendiaires.

Près d’eux, se trouvent quelques Messieurs âgés :

- Les derniers habitants qui ont tenu, jusqu’à cette heure critique, à demeurer dans la cité menacée.

« J’annonce au Sous-préfet, que j’apporte du pain et que le camion qui stationne dehors, non sans risques pour son chargement, contient plus de milles boules fraîches ».

« La population de Verdun ! soupire Monsieur GRILLON, vous voyez ici tout ce que je n’ai pu faire évacuer ».

Peut-être restent-ils, cachés dans leur cave ou murés par un éboulement ?

« - Quelques malheureux qui s’entêtent à ne pas vouloir quitter la ville ? Je vais faire, de suite, une ronde pour m’en assurer car le danger est réel et il faut que tous, sans exception, partent au plus tôt ».

Le Sous-préfet parcourait les rues à la recherche de Verdunois récalcitrants.

« Quelques instants plus tard, il parcourait à grands pas, les ruelles désertes, appelant dans le silence, cherchant, se penchant sous les soupiraux, perçant des yeux, l’obscurité, à l’affût du moindre rai de lumière révélatrice ».

Le sifflement des projectiles dans l’air.

« Suivi du fracas d’un mur qui s’écroule, d’une toiture qui explose ».

« J’avais peine à suivre mon guide, courant parfois pour ne pas le perdre, butant souvent contre une pierre, des poutres, des ardoises ».

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Ci-dessus : Une rue de Verdun, détruite.

On laissera le pain aux soldats :

« - M’explique ce diable d’homme (NDLR le Sous-préfet) mais la plus grande partie sera perdue, qu’importe ! ».

« Il faut parer au plus pressé et votre camion arrive à propos pour emmener ces braves gens, qui vous l’avez vu, vous ont accueilli ».

« Oui, s’ils ont peu de bagages et s’ils consentent à être très mal, très secoués et à se serrer… ».

« C’est ce que je veux vous confier, aussi, des papiers de la Préfecture et les archives du tribunal ».

« Remettez-moi un ordre de réquisition et je ferai l’impossible pour tout prendre ».

« Les évacués pourront s’asseoir sur les caisses ».

Toujours, à la recherche de Verdunois.

« Après de longues discussions, nous n’avons ramené qu’une vieille dame souffrante et sa bonne. Et le Sous-préfet dut user de toute son autorité persuasive, pour les décider à quitter leur demeure ».

« Elles allèrent grossir le groupe des personnes handicapées et des malheureux qui nous retrouvâmes, angoissés, tapis au fond de leur abri ».

« Un obus venait d’éclater contre un immeuble voisin et des débris de pierre avaient pénétrer par le soupirail tombant au milieu de ces femmes qui, poussant des cris, s’écrasaient contre le mur du fond ».

Il y eut une demi-heure d’accalmie, puis la pluie d’acier se remit à tomber sur la ville.

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Ci-dessus : A Verdun, la rue Saint-Louis, bombardée.

« Maintenant, à chaque arrivée d’obus, les têtes se courbaient d’instinct et les corps se rejetaient vers la cloison, mais raidis contre la peur, les lèvres restaient muettes ».

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« Le Sous-préfet et ses compagnons avaient rejoint le groupe, prodiguant des paroles d’apaisement. Mon camarade et moi, nous forçant à plaisanter, faisions aussi, de notre mieux pour rassurer tout le monde ».

« Il nous fallait répondre aux incessantes questions ».

« - Quand nous emmenez-vous ? ».

« - Pourquoi ne s’en va-t-on pas maintenant ? ».

« - Pourriez-vous prendre mon panier ? ».

« - Partirons-nous tous ? ».

« J’expliquais que la prudence me commandait d’attendre que les boches ralentissent leur tir ».

« C’est ce qui se produirait probablement au lever du jour et que j’emmènerais tout le monde à condition que chacun consentit à ne garder qu’un seul paquet, non volumineux ».

« Et je vis des larmes couler sur des visages fatigués, épuisés, tristes, ainsi » :

« - Qu’une mère étreindre son enfant, à l’étouffer, une dame âgée, qui, dix fois, ouvrit et reficela le même colis de linge sauvé…, une autre, de toutes ses forces, me serrait la main… ».

«  Je dus accepter une nouvelle tasse de «’’bon café’’. Je dus, aussi, allumer une cigarette pour cacher mon émotion ! ».

Je conseillais d’avoir le courage :

« Dans l’intérêt de tous, de n’emporter que les objets précieux ou indispensables, puis de prendre un peu de repos car il ne servirait à rien de s’obstiner à veiller ».

« J’allais m’étendre dans la cave voisine où Monsieur GRILLON m’offrait de partager le sommier qui lui servait de lit ».

Les obus tombaient toujours.

« Çà  fait 78 depuis hier soir, me confia un vieillard attentif à compter l’éclatement des obus de 380 ».

Christian BOULAY

Illustrations de l’auteur.

(A suivre :

Le bombardement de la ville de Verdun

7ème  partie).

 

 

 

 

 

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