Bombardement de Verdun - 3
LE BOMBARDEMENT
DE LA VILLE DE VERDUN.
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3ème partie
LE CONSEIL MUNICIPAL DE VERDUN QUITTE BAR-LE-DUC BOMBARDÉE POUR S’INSTALLER A PARIS.
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Notre ami Verdunois qui se trouve au cœur de la cité poursuit son récit,
en racontant les premiers jours de la ville bombardée.
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LE SAMEDI 26 FÉVRIER 1916, VERS 8 HEURES DU MATIN.
« Nous embarquons enfin, dans un wagon à bestiaux pour Bar-le-Duc distant de 40 kilomètres où nous arrivons à 16h18 ».
Ci-dessus : Le chemin de fer à voies étroites, le Meusien. Il faut huit heures
pour parcourir quarante kilomètres.
« Je me séparais de mon compagnon de voyage, qui demeurait dans le chef lieu de la Meuse, pour y continuer la gestion des affaires communales et je gagnais Riom dans le Puy de Dôme en Auvergne, ma ville natale ».
C’est là que j’ai retrouvé ce que la ville de Verdun avait mis à l’abri.
« Dès septembre 1915, la municipalité Rionaise a bien voulu mettre la salle du Musée à la disposition de la cité Verdunoise qui y a entreposé :
« - Nos objets d’art, nos archives, ainsi que les manuscrits et ouvrages précieux de notre pauvre bibliothèque :
« - Frappée en plein cœur, par un obus de 380 et dont 75 000 volumes sont actuellement sous les décombres, etc. ».
POUR COMPLÉTER CE RÉCIT :
Dès le début du bombardement de la ville, la caisse d’épargne s’installe provisoirement à Bar-le-Duc.
Le 23 février 1916, l’ordre est donné de faire évacuer la ville de Verdun.
Un premier convoi quitte la cité sous la conduite de l’Archiprêtre de la Cathédrale, tandis que l’Évêque de Verdun Monseigneur GINISTY reste, pour visiter et consoler les résidants qui refusent de partir avec l’espoir d’une amélioration de la situation.
C’est un personnage important :
Il est nommé Évêque de Verdun en mars 1914, et à peine arrivé dans son diocèse il est confronté à cette guerre.
Il quittera la cité verdunoise pour s’installer à Bar-le-Duc jusqu’à la fin de la guerre. Il est à l’origine de la construction de l’ossuaire de Douaumont.
Il sera nommé chevalier de la Légion d’Honneur, le 13/10/1918.
Ci-dessus : Monseigneur GINISTY –
Évêque de Verdun de 1914 à 1946.
Le premier, Monseigneur D’ARBOUT, fut intronisé en 1823.
LE 24 FÉVRIER 1916 :
On voyait dans les ruines de la ville, des hommes fouillant dans les habitations, dans les immeubles éventrés, triant des vêtements d’enfants, des objets sont éparpillés sur le sol, etc.
Et puis ! Comment pouvait-on imaginer que l’on ait pu trouver dans des lieux bombardés, parsemés de cadavres ! :
- Dix fantassins Français, installés dans une cave, jouant aux cartes à la lueur de trois bougies fumantes, buvant du vin rouge.
Ci-dessus : Dans une petite église en ruines, des soldats au repos, réunis
autour d’un feu de bois, se racontent leurs campagnes.
Ci-dessus : Verdun – une rue du centre ville bombardée.
Des rues entières, les plus commerçantes, s’effondrent dans les flammes.
TROIS CENT CINQUANTE OBUS INCENDIAIRES TOMBENT QUOTIDIENNEMENT SUR LA CITÉ, QUI SEMBLE VOUÉE AUX SORTS DES VILLES DE REIMS, D’ARRAS, ET D’YPRÈS.
La citadelle brûle.
Un obus est tombé sur celle-ci, et a mis le feu à des explosifs.
C’est un incendie gigantesque. On a l’impression que la ville brûle.
Jaillissent comme d’un volcan, des flammes, des étincelles qui s’élèvent dans le ciel, suivies de multiples explosions.
Les incendies sont combattus par les pompiers.
Le capitaine âgé de 62 ans, raconte son quotidien et celui de ses hommes :
« Durant les cinq premiers jours du bombardement, nous n’avons pas eu une minute de repos ».
« De tous côtés, on nous appelait, soit pour éteindre un incendie, soir pour fouiller les décombres des bâtiments détruits ».
« Dans un même lieu, nous avons sauvé dix sept personnes dont sept étaient ensevelies sous un amoncellement de matériaux de toutes sortes ».
Ci-dessus : A gauche, les pompiers de Verdun qui oeuvrent pour éviter
que le feu ne se propage dans toute la ville.
« Nous avons éteint une vingtaine d’incendies et pourtant les Allemands rendaient notre tâche difficile ».
« Dès qu’ils remarquaient notre présence autour d’une maison en flammes, ils nous criblaient de mitraille mais leurs obus ne parvinrent jamais à modifier l’ardeur de mes pompiers ».
« Nous luttions ainsi depuis quatre jours quand nous reçûmes l’ordre du Commandant d’armes de la place de Verdun, de nous replier sur Bar-le-Duc ».
« Nous y restâmes peu de temps puisque deux jours plus tard, j’étais prévenu de rentrer à Verdun avec ceux de mes hommes appartenant au service armé ».
« Les autres étaient libres de grossir la foule des évacués ».
Eh bien ! Continua le Capitaine : tous les pompiers dégagés d’obligations militaires voulurent me suivre et revinrent avec moi, dans la fournaise que nous avions momentanément abandonnée ».
Des nouvelles de Monsieur REGNAULD, Maire de Verdun :
Dans un communiqué, il est écrit :
« On a aujourd’hui des nouvelles rassurantes de Monsieur REGNAULD, Maire de Verdun, sur lequel on n’avait aucun renseignement depuis l’évacuation de Verdun :
- Il était parti le dernier de sa ville, après être resté courageusement à son poste et avoir fait son devoir jusqu’au bout ».
« Il est aujourd’hui, au milieu de sa famille, à Laon-sur- Mer (Calvados), où il va prendre un peu de repos réparateur bien mérité ».
UN MEMBRE DU CONSEIL MUNICIPAL DE VERDUN EST LE SEUL PERMANENT DANS LA CITÉ MEURTRIE.
Au cours du dernier conseil installé à Bar-le-Duc depuis le début du bombardement de la ville de Verdun en 1916, il a été décidé de maintenir à tour de rôle, en permanence dans la cité Verdunoise, l’un de ses membres, comme nous allons le voir.
Ci-dessus : L’Hôtel de ville de Bar-le-Duc.
Le Conseil municipal, quittera la cité des Ducs, bombardée pour s’installer à Paris, afin dit-on :
« Pour mieux assurer la marche de ses services et continuer sa mission en attendant de retrouver Verdun, l’hôtel de ville… ».
A Paris, des locaux seront mis à sa disposition, dans un immeuble situé rue Bellechasse où seront stockés les archives municipales.
LA PREMIÈRE SÉANCE DU CONSEIL MUNICIPAL SE TIENT :
Au deuxième étage d’un immeuble administratif où siégeait la direction des cultes :
- Dans une petite salle tapissée de cartons verts, autour d’une table, recouverte d’un tapis vert, sont réunis les conseillers municipaux.
On ne compte plus que vingt membres sur vingt sept.
Trois d’entre eux sont décédés, un quatrième est démissionnaire, trois autres sont mobilisés.
La majorité du personnel communal est lui aussi réfugié à Paris. Ils traiteront les dossiers administratifs qui suivent et explique-t-on, il n’y aura pas d’interruption de la vie « édilitaire de Verdun ».
L’ordre du jour de cette séance extraordinaire porte sur les questions suivantes :
- Vote de crédits complémentaires au titre de l’exercice 1915,
- Transfèrement à Paris de la mairie de Verdun (dispositions à prendre en ce qui concerne le personnel),
- Sauvetage du mobilier de Verdun, etc.
En ouvrant la séance, Monsieur BEYLIER premier Adjoint, prononce une courte allocution :
« Nos soldats, dit-il, se sont immortalisés à Verdun et un peu de leur gloire, rejaillit sur la municipalité de notre chère cité meurtrière, mais toujours inviolée ».
Ci-dessus : Le champ de bataille.
« En installant le conseil municipal de Verdun à Paris, où une hospitalité si cordiale nous est offerte, je tiens à associer dans un même salut fraternel et respectueux les soldats de France et les élus de la ville de Paris et du département de la Seine ».
Il termine son discours en remerciant le Ministre de l’instruction publique, ainsi que la presse Parisienne.
Ensuite, le conseil approuve les comptes administratifs, vote des crédits, etc.
Messieurs NOËL, Député et BRAQUIER Président du conseil d’arrondissement et industriel ainsi que de nombreux Verdunois, assistaient à cette séance historique.
Le conseiller municipal de permanence à Verdun raconte son quotidien :
« Je vis dans un des souterrains de la citadelle ».
« Tous les habitants vivant dans les souterrains mangent ensemble, dans un vaste salon, se trouve une table réservée à l’État-major, avec à sa tête le Général PÉTAIN ».
« Tout autour de celle-ci, d’autres tables sont occupées par les Officiers ».
« Bien entendu, il n’y a aucune femme, d’ailleurs il n’y en a plus une seule à Verdun. Le service est fait par les soldats ».
« Le menu n’est pas varié ».
« - Du bœuf, encore du bœuf, toujours du bœuf ».
« Mais on a des hors-d’œuvre, c’est-à-dire des sardines, des conserves, un dessert et du vin à volonté.
« En somme, on ne manque de rien, sauf de légumes frais à cause des difficultés que l’on a de les amener de Bar-le-Duc ».
« Quant au coucher, il est primitif, on s’en contenterait si, à chaque instant, on n’était pas réveillé par le son du canon ».
« Dans la cité, presque tous les habitants sont partis ».
« Il ne reste plus à Verdun que des territoriaux, ceux qui combattent ne sont pas en ville ».
Ci-dessus : Des poilus devant la gare qui a été bombardée.
« Les chiens errants… ».
« Qui ont fait polémiques, sont adoptés par les proches ».
« Quant aux chats ».
« - Ils n’ont pas voulu quitter leur demeure. Ils sont nourris par les rats qui pullulent et, il n’est pas rare, lorsqu’on traverse la ville, de voir à travers les carreaux brisés d’une boutique, un gros matou tranquillement couché sur le comptoir ».
« Quand on sort, il faut porter un casque ».
« On m’a demandé aussi d’avoir un masque à gaz afin de me protéger, en cas de nécessité, contre les gaz asphyxiants ».
« Mon rôle est » :
« D’organiser les réquisitions ».
« Les corps de troupe qui ont besoin de vivres, de vêtements, de matériel doivent s’adresser au bureau de la mairie, c’est-à-dire à la citadelle ».
Et puis :
Un arrêté préfectoral est pris avec l’approbation du Général commandant l’Armée, pour lutter contre la rage dans le département de la Meuse, où il est stipulé :
- Que les chiens seront tenus à « l’attache » ou conduits en laisse sur tout le territoire de la Meuse.
- Seront exceptés dans ces départements les chiens de berger et de bouvier ainsi que les chiens de chasse munis d’un collier.
- Les chiens errants sur la voie publique ou tout autre lieu, sans être porteur d’un collier de plaque indicatrice exigée, seront saisis et abattus sans délai.
- Les infractions aux dispositions du présent arrêté seront constatées par des procès verbaux et les « délinquants » seront déférés aux tribunaux compétents, etc.
Les rues sont propres :
La police est faite par des gendarmes qui ont installé un poste à tous les carrefours, ou presque. La circulation même en voiture est possible partout, les territoriaux ont enlevé tous les moellons ainsi que les débris des maisons bombardées.
Ci-dessus : Les territoriaux, on les retrouvera sur la « Voie Sacrée »
A l’entretien de la route Bar-le-Duc- Verdun.
Ils seront dénommés les « pépères de la route ».
Malgré cela, les rats et les souris pullulent.
Des vaccins sont demandés à l’Institut PASTEUR afin de lutter si nécessaire, contre les maladies.
Christian BOULAY
Illustrations de l’auteur.
(A suivre :
Le bombardement de
la ville de Verdun
4ème partie).
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